À Jamais Les Premiers Exclus

« Arnaques, titre et pas de panique »

Munich, 26 Mai 1993. Pour la première fois de son histoire, le football français voit l’un de ses clubs remporter la plus prestigieuse des Coupes d’Europe. Mieux, la C1 convoitée par Reims puis Saint-Étienne a laissé place à la Ligue Des Champions et l’Olympique de Marseille en devient son premier vainqueur.
Un titre qui rend la France heureuse : un peu partout dans l’hexagone, les éloges pleuvent pendant que du côté de la canebière c’est joie et plongeons dans le Vieux Port. 
Une fête incroyable pour le meilleur club français de l’époque, qui impressionne à travers toute l’Europe et malheureux vaincu deux ans plus tôt contre l’Etoile Rouge de Belgrade. 
Mais un sacre bien vite abîmé par l’affaire OM-Valenciennes. 
En effet, le 20 Mai 1993 les olympiens rencontrent les nordistes pour un match où l’intérêt majeur des Marseillais est d’éviter les blessures face à un adversaire bien plus faible mais qui joue son maintient. Ce sera chose faite, la victoire en plus ce qui est loin d’être négligeable avec le PSG en embuscade. Un double succès donc, avec l’objectif principal atteint : les Marseillais seront au complet et en pleine forme pour la finale de la Ligue Des Champions 1993 contre le grand Milan AC. 
Une mission accomplie par le biais d’une tricherie désormais légendaire : trois joueurs de Valenciennes (Jacques Glassmann, Christophe Robert et Jorge Burruchaga) sont approchés par un joueur marseillais (Jean-Jacques Eydelie) pour « lever le pied » lors du match. La suite est connue de tous : Glassmann explose à la mi-temps, la réserve est déposée, Bernard Tapie et Jean-Pierre Bernès aux manettes, le procès, les condamnations, la suspension et tout le bordel. 
Reste le problème du palmarès européen qui, 20ans après, reste inchangé malgré cette fourberie.

Alors oui, on ne saura jamais si l’Olympique de Marseille aurait quand même battu les Rossoneri après avoir joué normalement contre Valenciennes. Ce que l’on sait par contre, c’est que l’équité sportive n’a pas été respectée; et c’est bien là tout le problème. Car le 21 Mai, le Milan AC a lui aussi joué un match de championnat. Et lui aussi était en quête d’un titre national pas encore assuré. L’adversaire du soir était Cagliairi, un club qui jouait sa place en Coupe d’Europe. Par précaution, Fabio Capello avait décidé de laisser certains joueurs au repos (Albertini, Van Basten). Mais le reste de l’équipe a joué un vrai match, loin d’être une partie de plaisir : domination des coéquipiers d’Enzo Francescoli en début de match, des coups et même un début de bagarre en fin de match. Autant dire une ambiance bien différente que celle de Valenciennes… Les Maldini, Rijkaard, Lentini, Tassotti et autres Papin auraient apprécié à coup sûr qu’une bonne liasse de billet soit enterrée dans un jardin sarde pour que deux joueurs (Glassmann a refusé la combine) de Cagliari jouent le match la tête ailleurs. En vain. Score final, 1-1. Les Milanais sont menés dès la 5ème minute, ce qui les obligent à courir après le score avant de tenir toute la dernière heure pour protéger un match nul qu’ils étaient venu chercher.
Les deux équipes n’ont donc pas abordé la finale sur un pied d’égalité. Aussi bien physiquement que psychologiquement. 
Marseille a bel et bien gagné cette finale, mais ce qui s’est passé en amont compte énormément. Or tout le monde ferme les yeux sur cet épisode primordial. 

Les Français sont toujours là à quémander de la justice, notamment financière face aux ogres anglais ou espagnol. Mais dès lors que l’avantage va dans son sens, les Marseillais, et à degré moindre le Français de base, oublient tous les grands principes. 
Pourtant les choses sont claires : à moins d’une semaine de la finale de LDC, l’OM a joué une parodie de match (les arbitres à la mi-temps ont été prévenus de la corruption, comme le reste des joueurs des deux équipes) quand les Lombards ont disputé 90 minutes made in Calcio 90’s. 
Mais aujourd’hui encore cette tricherie est balayée d’un revers de main, notamment par les protagonistes : « enlève les points du match VA-OM et on est toujours premier », signé Eric Di Meco. Le grand mathématicien marseillais met de côté le fait que le problème n’est pas que comptable mais également moral. 
Premièrement, le fait que Marseille gagne à Valenciennes a bien boosté l’équipe. Avec 4 points d’avance sur le PSG, le match contre l’ennemi de la capitale quelques jours après la finale sera bien moins difficile à négocier que s’ils avaient eu seulement 3 pts ou 2 pts d’avance. Avant le duel européen, on parle d’ambiance de « colonie de vacances » et d’un départ « décontracté » pour la Bavière.
Deuxièmement, l’affaire ne concerne pas que le championnat mais aussi la Coupe d’Europe et la préparation à la grande finale, qui est plus qu’importante comme tout le monde le sait. C’est la base de l’idée de Tapie : acheter le match de Valenciennes pour être plus opérationnel contre Milan. Mais comme toujours avec la morale, chacun la met où il veut… et c’est souvent dans son sens qu’elle trouve refuge. 

Mieux encore : malgré le fait que la justice nationale puis sportive les condamna, les Marseillais revendiquent chaque jour un peu plus ce trophée. Un mix d’ignorance et de mauvaise foi qui traduisent bien le malaise face à ce dossier au combien épineux. 
Maintenant, il est évident qu’une telle vérité est difficile à encaisser pour les joueurs qui ont joué le jeu (comme Di Meco) ainsi que pour les supporters qui eux ne vivent que pour le club. Mais sauf erreur, en athlétisme quand un coureur de relais est déclaré dopé, on sanctionne tous ses coéquipiers… Qu’ils soient propres ou non. 
On rappellera quand même que sans être directement concerné, certains marseillais (au procès, Bernès dira que « tous les joueurs savaient que ce match allait être arrangé ») étaient parfaitement au courant de ce qui se tramait : ah Deschamps et Desailly sur le yacht, un grand classique lui aussi passé aux oubliettes. 
Quand on regarde un problème, il faut le faire dans son ensemble : la majorité des journalistes a volontairement évité de faire le lien entre OM-VA et OM-Milan afin de ne pas briser « l’exploit » marseillais. Les mêmes qui criaient au scandale sur la main de Vata et qui évoquent encore aujourd’hui la sortie de Schumacher sur Battiston alors que cela ne reste au fond que des faits de jeu. 

                        « Touches pas à mon Jacquespote »

Sans la finale de ligue des champions, Tapie n’aurait jamais tenté d’acheter ce match et toutes ses combines de l’époque (dopage, primes versées aux adversaires, boissons trafiquées, transferts illégaux) seraient restés officieuses. Malgré tout ce qui fut déballé, beaucoup de monde revendique ce sacre munichois. La tentative de corruption n’a pas fonctionné à la perfection, c’est le moins que l’on puisse dire quand on se rappelle de la confusion avant, pendant et après le match. Mais quoiqu’on en dise, l’OM n’a pas joué un match normal à quelques jours du choc pour le titre européen. 
Sans oublier que lors des matchs de poule, plusieurs évènements troublants seraient apparus lors du parcours marseillais: 
– Mark Hateley, joueur des Glasgow Rangers, dit avoir reçu un appel téléphonique pour ne pas jouer le match contre une grosse somme d’argent.
– l’entraineur du CSKA Moscou affirme que ses joueurs ont eu des boissons trafiquées lors du fameux 6-0. 
– avant le match contre Bruges, l’OM transfère 311 000 $ sur un compte suisse. Argent retiré par un intermédiaire belge, sous ordre… d’Alain Laroche, directeur financier de l’OM.
Trois adversaires en poule, trois légendes de tricheries. 
Le problème c’est que lorsque des légendes urbaines ont en commun le nom de Bernard Tapie, cela se transforme vite en doute. Surtout que selon Jean-Jacques Eydelie, les Marseillais auraient tous pris une « piqûre » avant la finale, sauf Rudi Völler qui aurait refusé en bloc.

 

Que le tricheur gagne
Car l’UEFA a bien évidemment sa part de responsabilité dans cette affaire avec sa légendaire ambiguïté : on demande l’exclusion d’un champion sans lui retirer son titre; logique implacable. Le tout sans oublier au passage de faire la morale à la LNF pour sanctionner le club fautif. Mais voir une case vide à côté du nom de vainqueur est inimaginable pour les grands pontes du foot européen : après tout, on a bien joué la finale de C1 1985 au Heysel malgré les morts, alors bon une tricherie… On dit qu’il s’agit de deux compétitions différentes et roulez jeunesse.

Enfin l’enquête sur le dopage qui s’arrête après les 10 ans de prescription, si ça c’est pas beau comme principe.

 

Le football français se ridiculise en faisant cérémonies, magazines (L’équipe Magazine a sorti un numéro spécial samedi dernier sur cette fameuse « victoire ») et autres reportages sur ce titre nébuleux : ce n’est pas parce qu’on a rien qu’il faut accepter n’importe quoi!!!

Une amnésie volontaire et totale de la part de l’ensemble des acteurs du ballon rond. Il y a une certaine médiocrité à célébrer sans cesse ce trophée … voire ces trophées car sur le site officiel de l’OM, le titre de champion de France 1992-93 figure toujours au palmarès.

Un grand club d’un grand pays de football n’aurait jamais accepté un titre entaché d’une tricherie (ah bah si, la Juventus). Deux titres frauduleux, on en parle pas.

L’OM lui a brodé l’inscription « 26 Mai 1993, L’OM À Jamais Dans L’histoire » dans le col de ses nouveaux maillots 2013-14 … et la Ligue a validé le move.
CQFD.

JM

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